Bretagne : Occupation - Libération
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témoignage italien en Bretagne

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Message  Yannig du 22 Dim 24 Juil 2011, 22:47

Mon père, prisonnier de guerre italien… (trouvé sur le net)
de Mr BORTOLI

1. Avril- Octobre 1943: Provence

Mon père, Callisto Bortoli était né en 1909, dans un village du Trentin, en Italie du Nord. Il fait son service militaire dans les années 1929-30, dans les "Alpini" (les chasseurs alpins). Mobilisé en 1939 jusqu'en 1942, il est de nouveau rappelé en janvier 1943.. En avril 1943, il est envoyé en Provence dans les forces d'occupation italienne près de Bandol puis dans l'île de la Tour Fondue, en face du port du Brusc jusqu'en septembre 1943.



-Prisonnier des Allemands- Transfert en Bretagne

Depuis le 20 septembre, les Italiens n'ont pas le statut de prisonniers de guerre, mais "d'internés militaires" ce qui les mets hors le l'application de la Convention de Genève. Finalement le 14 octobre, c'est le départ pour la Bretagne : six jours de voyage jusqu'à Quimper. Dans les semaines qui suivent les "internés militaires" sont occupés à poser des mines sur le littoral de la côte sud bretonne et à des travaux de tranchées pour le mur de l'Atlantique. Mon père est ensuite conduit dans un hôpital militaire allemand à Plouay pour effectuer chaque jour en compagnie d'un sicilien, sous la garde d'un soldat allemand à la gare d'Hennebont dans une charrette tirée par deux chevaux pour transporter des denrées pour l'hôpital.

Un jour d'hiver, mon père s'approcha d'un feu allumé par des cheminots pour se réchauffer et laissa la charrette sans contrôle. Le passage d'un train effraya l'attelage qui parti au grand galop en direction du pont qui enjambe le Blavet pour s'arrêter sur un car qui passait. L'enquête qui suivit n'avait pas réussi à prouver une responsabilité directe de mon père. Mais les jours suivants, un vétérinaire allemand insistait un peu sadiquement afin que mon père aille sous le ventre de l'animal blessé dans l'accident, pour le soigner. Devant l'attitude de ce cheval qui s'énervait en voyant quelqu'un s'approcher de lui, mon père s'adressa à l'Allemand dans son dialecte, ce dernier étant originaire de la province germanophone de Bolzano) :

"Tue-moi, si tu veux, avec ton pistolet, mais je ne vais pas me faire tuer par le cheval".

Le vétérinaire n'insista pas et trouva un autre moyen de soigner la blessure.

Les travaux préférés des prisonniers étaient les corvées en cuisine, car cela leur permettaient de sortir quelques pommes de terre pour la baraque et d'avoir ainsi un complément de nourriture. Ne e connaissant pas le mot sel en français, les prisonniers avaient du mal à s'en procurer auprès de l'épicier. Cela ne dura pas. Les Allemands ayant été avertis, les prisonniers étaient systématiquement fouillés à la sortie des cuisines. Pendant cette période, le manque de nourriture n'était pas aussi grand que dans le Var où nous avions vraiment souffert de la faim.

Un autre souvenir de cette période est lié aux contacts que mon père a eu avec son ami avec des résistants, par le biais du curé de la paroisse.. Mon père se rendait le dimanche à la messe et par l'intermédiaire du curé, il échafauda une évasion avec l'aide de résistants. Cela n'eut pas de suite car les Allemands eurent quelques soupçons interdirent aux prisonniers de se rendre à l'office du dimanche.

3. Le transfert a Pontchâteau

Apres le débarquement en Normandie et l’avancement des troupes alliées, l’hôpital allemand a été transféré de Plouay à Pontchâteau dans la poche de Saint-Nazaire.



L'ancien séminaire des pères Monfortains près du Calvaire de Pontchâteau servait d'hôpital militaire allemand ; en face il y avait les baraques des prisonniers

Cet hôpital avait été aménagé dans les locaux d’un séminaire des pères Montfortains. Ces bâtiments dans le lieu dit le Calvaire de la Madeleine occupaient une butte qui dominait de la Grande Brière.

Nous étions une vingtaine d'Italiens, de différentes régions d’Italie (mon père et un ami du même village du Trentin, 5 ou 6 piémontais, un instituteur de la Ligurie, un sicilien, un napolitain…). Dans leur baraque ils avaient le droit de préparer leurs repas, avec l’argent qu’ils recevaient pour leur travail. Ils achetaient chez les paysans des pommes de terre, de la farine de blé, des œufs. Cela leur permettait de préparer des "lasagne". Au risque de s'empoisonner, ils préparaient le ragoût avec la viande de boites périmées, refusées par les Allemands.

Au début, mon père, travailla à l’aménagement d’un petit cimetière à coté de la petite chapelle. Il eut ensuite pour tâche de balayer les chambres des hospitalisés.



A côté de l’hôpital il y avait une baraque pour la désinfection. Les soldats allemands y venaient par groupes. Mon père se rappelait que quand c’était le tour des SS, ils apparaissaient toujours surexcités même quand ils étaient blessés. Un jour, mon père, en rentrant dans une chambre pour la balayer, aperçoit un soldat SS grièvement blessé, qui souffrait énormément. Mon père en s’adressant à lui, dans son allemand, lui dit: "nicht gut Krieg, nicht wahr ?" et l’autre en réponse : "Nein, ist gut, gut !".

Nous devions remplir le réservoir d’eau de l’hôpital en prenant l’eau des puits des alentours.

C’était dans ces circonstances qu’il a pu faire la connaissance de celle qui serait devenue sa femme. Ma mère, originaire de Saint-Nazaire, s’était réfugiée avec sa famille dans un hameau (Le Buisson Rond), à proximité du Calvaire de la Madeleine, dans la commune de Crossac. En ayant perdu son travail (la maison de confection où elle travaillait avait été détruite dans les bombardements) elle travaillait aussi comme blanchisseuse dans le même hôpital.

Dans un premier moment les prisonniers n’étaient pas enfermés dans leur baraque la nuit (les "toilettes" se trouvaient à l’extérieur) et mon père en profitait pour sortir et rendre visite à sa fiancée. Par la suite, les Allemands préoccupés des possibles rencontres entre les prisonniers et les résistants, empêchèrent les sorties. Ayant découvert une petite ouverture dans la clôture, mon père put retrouver sa belle, mais une nuit par temps de brouillard, il ne put retrouver le passage et fut découvert par la ronde allemande. Heureusement un des deux soldats a feint de croire aux explications de mon père et réussit à convaincre l'autre soldat de ne pas faire de rapport aux supérieurs.

4. Fin de la guerre

Dans les premiers jours du mois de mai 1945 l’hôpital est transféré à la Baule mais les prisonniers italiens restent sur place où ils sont loués dans des fermes du pays.. Mon père accepta car cela lui permettait de retrouver sa fiancée de temps en temps. . Quelques jours plus tard, les prisonniers italiens sont regroupés avec les prisonniers allemands et rassemblés dans un petit camp derrière l'église de Pontchâteau. Mon père aperçut quelques jours après sa fiancée discuter avec les responsables du camp mais un jeune soldat français s'interposa et empêcha tout contact. A dater de ce jour, il fut sans nouvelle de ma mère pendant près d'un an.

Ensuite, par ordre supérieur, tous les prisonniers allemands et italiens ont été ramassés dans un petit camp qui était installé juste derrière l’église de Pont- Château. Ici mon père vit un jour ma mère qui venait au camp, sûrement pour parler avec les supérieurs et avoir des renseignements. Mon père aurait voulu lui parler mais un jeune soldat français s’interposa et lui empêcha d’approcher sa fiancée. Depuis ce moment mon père et ma mère n’ont pas eu la possibilité de se voir pendant un an.

5. Le transfert à Nantes

Vers la fin du mois de mai, les prisonniers sont transférés dans un hangar à Chantenay (Loire Inférieure- Dépôt n°44) (après deux jours passés prés de l’aéroport de Montoir de Bretagne, dans des baraquements occupés antérieurement par des Alsaciens).

Un groupe de prisonniers italiens, parmi lesquels mon père, a été conduit au terrain d'aviation de Château pour combler les trous de bombes En traversant la ville de Nantes à pied, des Français les insultaient. Mon père aurait reçu des coups si un garde nord-africain ne s'était pas interposé.

Le groupe de prisonniers était logé dans les château en partie détruit par les bombes. A partir de ce moment, les prisonniers ont commencé à souffrir de la faim. La ration de chaque repas consistait en un petit morceau de pain accompagné d'une assiette de liquide dans lequel flottait des morceaux de betteraves. Les prisonniers s’affaiblissaient jour après jour . Les soldats qui les surveillaient n’avaient pas le courage d’insister pour qu’ils travaillent plus. Sur le chantier il y avait, aussi des ouvriers français dirigés par chef d'équipe d’origine italienne. Ce dernier prit à cœur la situation des compatriotes et fit des démarches auprès les représentants d’Italie qui étaient à Nantes. En même temps les ouvriers français faisaient du petit commerce avec les prisonniers en leur vendant quelques aliments. Mais les autorités françaises empêchèrent ce trafic et réquisitionnèrent tout l’argent et les objets de valeur que nous possédions. Le prisonnier qui cherchait de dissimuler quelque chose, était puni. Mon père ce jour-là, réussit à dissimuler un billet de 1000 francs (qu’il venait juste de changer par le biais d’un soldat de garde) sous un papier dans sa valise, et eut la chance de n’être pas découvert.

6. le transfert à Amboise

Le 29 juin tous les prisonniers ont été dirigés vers le dépôt 41 d'Amboise, en train jusqu’à Tours, serrés à 60 par wagon, sans possibilité de bouger et puis à pied jusqu’au camp. Dans ce camp, il y avait trois baraques, une pour les Allemands, la deuxième pour les Italiens et la troisième pour les Roumains.

Les prisonniers étaient très mal nourris. Ils espéraient chaque matin d'être désignés pour aller travailler dans les fermes des alentours où il y avait la possibilité de manger. C’était la bagarre pour être embauchés. Pour les Italiens ça allait mais les Allemands qui n’avaient pas cette possibilité c’était très dur car ils ne pouvaient pas compter sur la solidarité des autres nationalités. Les officiers italiens cherchaient à faire respecter la convention de Genève en s’adressant au commandant du camp.

Pendant presque un mois, un groupe entre eux a été déplacé à Cholet pour nettoyer les rues et aménager un petit plan d'eau. Mon père a gardé un très bon souvenir de l’ouvrier français qui était chargé de surveiller les prisonniers car il prenait leur défense envers les citoyens qui les insultaient. ("Ce n’est pas leur faute, les guerres sont décides par les chefs !")

Très récemment, mon père me fit cette remarque : "dans les deux ans et demi d'internement, j’ai eu la chance de n’être jamais frappé, ni par les Allemands, ni par les Français, mais pour les autres cela n'a pas toujours été le cas" Mon père, originaire d’une région qui fut rattachée à l’Allemagne en 1943, pratiquait assez bien l’allemand et, grâce à ma mère, il avait appris, aussi, un petit peu de français.

Yannig du 22
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Message  Aber Dim 24 Juil 2011, 23:08

Super,merci Yannig!Il est revenu quand en Bretagne?
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Message  Yannig du 22 Lun 25 Juil 2011, 10:07

C'est marqué Alban,

c'est le 14 octobre 1943! Yannig
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