Plouvien...
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Plouvien...
Bonjour !..
Si vous passez un jour par Plouvien, ne manquez pas de vous arrêter un petit moment devant cette stèle commémorative...
Elle est dédiée à la 6th Armored Division qui libéra la commune après de rudes combats contre les colonnes allemandes qui tentaient de rejoindre la Festung Brest en passant par ce petit bourg, mais ces évènements feront sûrement partie d'un post ultérieur...
Lo
Si vous passez un jour par Plouvien, ne manquez pas de vous arrêter un petit moment devant cette stèle commémorative...
Elle est dédiée à la 6th Armored Division qui libéra la commune après de rudes combats contre les colonnes allemandes qui tentaient de rejoindre la Festung Brest en passant par ce petit bourg, mais ces évènements feront sûrement partie d'un post ultérieur...
Lo
Dernière édition par jeremiah29 le Lun 12 Avr 2010, 09:12, édité 1 fois
jeremiah29- Nombre de messages : 1952
Age : 56
Localisation : Nord-Finistère
Emploi/loisirs : nombreux
Date d'inscription : 27/04/2008
Plouvien, Août 1944.
Sujet intéressant Laurent,
Combats acharnés, revirement de situation, et représailles terribles sur la population qui avait commencé à pavoiser le bourg pour fêter l'arrivée des alliés, alors que les Allemands ont fait un retour impromptu.
Mon père et mon oncle qui venaient de rentrer dans les FFI de Lannilis le 05 Août 1944, et se trouvaient sur la route en direction de Plouvien, ont été prévenus que les Allemands massacraient tout le monde dans le bourg.
Ils ont reçu l'ordre de cacher leurs armes et leurs brassards dans les bois environnants.
Combats acharnés, revirement de situation, et représailles terribles sur la population qui avait commencé à pavoiser le bourg pour fêter l'arrivée des alliés, alors que les Allemands ont fait un retour impromptu.
Mon père et mon oncle qui venaient de rentrer dans les FFI de Lannilis le 05 Août 1944, et se trouvaient sur la route en direction de Plouvien, ont été prévenus que les Allemands massacraient tout le monde dans le bourg.
Ils ont reçu l'ordre de cacher leurs armes et leurs brassards dans les bois environnants.
Invité- Invité
Re: Plouvien...
Bonsoir à tous,
Un livre très intéressant sur le sujet: PLOUVIEN, AOUT 1944 de Louis Bothorel édition Skolig al Louarn 29860 Plouvien, avec des témoignages d'époque, des cartes des mouvements de troupes et des photos.
A+ M 270
Un livre très intéressant sur le sujet: PLOUVIEN, AOUT 1944 de Louis Bothorel édition Skolig al Louarn 29860 Plouvien, avec des témoignages d'époque, des cartes des mouvements de troupes et des photos.
A+ M 270
Invité- Invité
Re: Plouvien...
Bonsoir Michel,
J'ai le livre à la maison, et bien sûr je l'ai lu avec intérêt.
On l'avait offert à mon père dès qu'il est paru.
Mon père est né à Plouvien (à Tariec, à 100m du 502), et il a connu ces évènements tragiques puisqu'il venait de rentrer dans les FFI de Lannilis quelques jours avant, à l'âge de 19 ans.
Et d'ailleurs, cela les a marqué de savoir que les Allemands exerçaient des représailles sur des civils.
J'ai le livre à la maison, et bien sûr je l'ai lu avec intérêt.
On l'avait offert à mon père dès qu'il est paru.
Mon père est né à Plouvien (à Tariec, à 100m du 502), et il a connu ces évènements tragiques puisqu'il venait de rentrer dans les FFI de Lannilis quelques jours avant, à l'âge de 19 ans.
Et d'ailleurs, cela les a marqué de savoir que les Allemands exerçaient des représailles sur des civils.
Invité- Invité
Re: Plouvien...
Bonjour à tous,
Oui le livre de M. Bothorel est exellent .......surtout sa deuxième édition avec les correctifs. Il apporte un regard très objectif sur ces événements. Si je ne me trompe il est prévu avec un collectif local, de créer un balisage de la route prise par la 266.ID jusqu'à Plouvien. Ceci, afin d'informer les gens des événements qui se sont produit lors de ce tragique été 44
Je trouve que c'est une très très bonne initiative afin d'honorer ceux qui doivent l'être et informer ceux qui ne savent pas. J'ai, il y a quelques temps, pris cette route avec une carte de 1938 et en suivant divers documents ...... ......cette "randonnée" a été empreinte de pas mal d'émotion .... et a donné lieu à quelques rencontres de temoins directs
Unstrut
Oui le livre de M. Bothorel est exellent .......surtout sa deuxième édition avec les correctifs. Il apporte un regard très objectif sur ces événements. Si je ne me trompe il est prévu avec un collectif local, de créer un balisage de la route prise par la 266.ID jusqu'à Plouvien. Ceci, afin d'informer les gens des événements qui se sont produit lors de ce tragique été 44
Je trouve que c'est une très très bonne initiative afin d'honorer ceux qui doivent l'être et informer ceux qui ne savent pas. J'ai, il y a quelques temps, pris cette route avec une carte de 1938 et en suivant divers documents ...... ......cette "randonnée" a été empreinte de pas mal d'émotion .... et a donné lieu à quelques rencontres de temoins directs
Unstrut
Unstrut- Nombre de messages : 90
Date d'inscription : 24/12/2009
Re: Plouvien...
Salut,
en effet, excellente initiative que de signaler les routes de repli de la 266.Inf-Div. et des différents évènements qui s'y sont passés ; j'adhère totalement à cette idée.
yannig
en effet, excellente initiative que de signaler les routes de repli de la 266.Inf-Div. et des différents évènements qui s'y sont passés ; j'adhère totalement à cette idée.
yannig
Yannig du 22- Modo
- Nombre de messages : 2229
Age : 54
Localisation : ST BRIEUC
Date d'inscription : 25/04/2008
Re: Plouvien...
Effectivement,
C'est une très bonne initiative. Il faut entretenir le devoir de mémoire; pour que ces pages tragiques de l'histoire ne sombrent pas dans l'oubli.
C'est une très bonne initiative. Il faut entretenir le devoir de mémoire; pour que ces pages tragiques de l'histoire ne sombrent pas dans l'oubli.
Invité- Invité
Re: Plouvien...
Mon père m'a raconté qu'il était caché dans un talus sur Plouvien, lorsque la colonne allemande se repliait sur Brest, celle-ci a été mitraillée par la RAF qui en a mitraillé un bon nombre de soldats allemands, un vrai carnage il m'a dit.
Invité- Invité
Re: Plouvien...
Marcelle Vour’ch, devenue Mme Baldi, vit aujourd’hui à Anglet. Mais ce jour-là, le 8 aout 1944, elle vient d’avoir 18 ans… Sa mère est couturière et son père marin, démobilisé au début des années 40, travaille à la poudrerie de Maison Blanche près de Brest. Ils essayent de faire survivre leurs cinq enfants. En ce 8 août 1944 la bataille de Normandie n’est pas finie mais les Américains cernent Brest. Dans le village de Plouvien, les belligérants vont s’affronter et les civils vont être victime de l’affolement et de la cruauté des nazis… Elle n’a rien oublié:
« Je viens d’avoir 18 ans. Nous nous mettons à table, en famille, vers 12 heures. Mon frère, Francis (16 ans) apprenti menuisier, est chez son patron Arsène, à la sortie du village de Plouvien, près de Brest, grand port maritime occupé par les troupes allemandes. Le menu : pommes de terre à l’eau, un peu de lait. Il fait beau, très chaud. Nous sommes heureux, sans crainte, étant libérés depuis la veille par l’armée américaine. Elle arrive de Normandie. Ses soldats ont encerclé Brest, de très près. Ils n’ont pas laissé de troupes dans la commune. Des coups de feu tirés au bourg nous ont alertés. Mon père décide vite de rejoindre l’abri construit, un peu par jeu, par les garçons de la rue, dans le champ des Ménec, derrière chez nous. Le repas reste sur la table. Ma tante Lise, mon oncle François, ma cousine Annie (10 ans) nous suivent, ainsi qu’une partie de la famille Ménec -autres proches cousins- et Jean Parcheminou (16 ans). Dans notre affolement, mon petit frère Jean-Claude (6 ans) est resté chez tante Maryvonne (sœur de ma grand-mère) dans le Penty qu’elle occupe avec son mari, tonton Per. Nous avons oublié Jean-Claude. Au fond du jardin, quelques mois plus tôt, les Allemands ont creusé un trou dans le sol. Un homme peut s’y tenir accroupi. Une autre percée dans le mur donne sur la prairie du Prat, pour y placer une mitrailleuse. On peut encore voir la maçonnerie refaite par mon père. Chez nous, des réfugiés de Brest, à cause des bombardements répétés : Mr et Mme Le Moal. Ils ont dans les 80 ans. Elle est aveugle, une jambe cassée, dans le plâtre, intransportable. Lui, sénile, ne veut pas se séparer de sa femme. On les quitte, après avoir fermé fenêtres, volets. Ils sont calmes, ne se rendent pas compte de la situation, du drame qui s’annonce. Nous sommes plus de vingt dans l’abri, à demi rassurés, sachant les Américains très proches. Un silence pesant règne dans notre cache : deux pièces séparées par une épaisse cloison de terre, communiquant par un étroit passage. Un escalier de part et d’autre, sommairement camouflés par des branches. On peut se tenir debout, s’asseoir sur des bancs. Les garçons ont fait des niches dans les murs étayés. Ils allument des bougies. (elles sont prêtes, ainsi que les allumettes). J’ai encore dans l’oreille les mots de ma tante Lise: "On dirait que l’on veille un mort". Vers 13 heures, bruits de bottes sur le toit de l’abri. La fusillade se rapproche. Les Allemands ont découvert notre cachette. Une voix hurle: "Sortez tous!!. Schnell. Herauss!!. Ou je jette les grenades." Personne ne veut sortir. Nous sommes terrorisés, tétanisés…Au bout de quelques secondes (une éternité) mon oncle François dit: « Ils ne nous feront pas de mal, nous ne sommes pas armés!… ». Il sort, les bras levés. Je le suis. Ils l’abattent devant moi, à coups de fusil. Tout autour de notre refuge, le long des clôtures des jardins, des soldats verts, accroupis, casqués, les yeux hagards, muets, leurs fusils droits dans les mains. Je ne sais plus qui est sorti après moi. Terrifiée, je file me cacher dans la maison située entre celle de mon oncle et celle du commerce Coant. Elle est en bordure de route. Les locataires sont partis. Elle semble vide. Blottie au pied de l’escalier, en chemisier blanc, jupe rose, pieds nus, mon chapelet de communion autour du cou, je débite des "Je vous salue Marie", des "Notre Père qui êtes aux cieux", sans m’arrêter. J’entends, au travers de la porte donnant sur le jardin, mon oncle râler, gémir de douleur. Soudain, hurlements, tirs dans la rue : "Feuer in alles Hause!". Je comprends "qu’ils" vont mettre le feu. Je sors côté jardin, préférant être tuée d’une balle que de brûler vive. Je cours vers mon oncle. Il est allongé sur le dos, dans l’herbe inondé de sang, geint doucement :"Lise!!..Lise!!.." sa femme. Elle est là, s’agenouille près de lui. Un peu plus loin, Jean, mon copain, mort. Les Allemands ne bougent pas, silencieux, impassibles en apparence. L’un se lève, hystérique, s’approche de moi, puis de mon oncle, lui tire une balle à bout portant en plein front, achevant le blessé. Ma tante après le meurtre doit dire que "Les Allemands sont bons"… A cet instant j’ai une crise nerveuse, un soldat essaye de me calmer, me prend contre lui, me cajole. Je m’échappe encore. Je vole. Je fuis. Je me dissimule dans les W-C de la boulangerie. Ma frayeur est violente. Je m’apprête à descendre dans la fosse d’aisance, soulevant le couvercle de bois. A ce moment , un sous-officier (il a des galons "argent") son revolver à la main, me fait sortir calmement, gentiment. Il parle français…Je vois passer "Tantic", cousine de ma mère. Elle court. Elle me semble complètement folle. Ne dit rien. Disparaît. Puis ma mère: elle ne me remarque pas. Disparaît aussi. Je n’ai plus la notion de l’heure. Le militaire (il a la quarantaine) me caresse les joues, les cheveux. Je reprends confiance. Le calme s’installe. Mon frère est toujours chez son patron. De la cour Bothorel on voit la fumée, les flammes surgir des toits des maisons Mao et Bihan. Près de l’atelier de menuiserie. Le sous-officier me tient par les épaules. Nous partons chercher Francis. Il creuse une tombe avec Arsène, pour un soldat mort. J’ai cru que c’était la sienne. Les Allemands discutent. Nous revenons tous trois vers le lieu du premier drame. Devant la ferme Ménec le tas de foin finit de se consumer. Ce tas de foin, dans lequel les garçons avaient fait une grande niche, servait de cachette à mon autre cousine, Thérèse, ses frères et Sœurs, sa grand-mère (autre sœur de la mienne). Une rafale de mitraillette est tirée dans l’ouverture, mal dissimulée. Thérèse, blessée à la jambe réussit à évacuer tout le monde, sauf Janine (4 ans) qui sera carbonisée.Tantic (Mme Ménec) recherchera les ossements de sa petite ; les placera dans une boite de biscuits . Je l’aiderai .Nous ne parlerons pas. Thérèse a 15 ans. Elle sera amputée, appareillée. Dans la cuisine de la maison, les Allemands ont entassé des fagots de bois, mis le feu. Je les sors secondée par d’autres soldats. Il doit être 15 heures. La ferme est sauvée. Les premiers militaires étaient des troupes de choc, des éclaireurs dit-on. Les suivants en ont assez. J’en ai vu pleurer sur les photos de leurs enfants. Les soldats et moi ramenons le corps de mon oncle chez lui. Jean, mon camarade d’école, dans le chemin du Prat, sur l’herbe, contre le mur de notre jardin, près de la porte (elle existe toujours). Il doit être 16 heures. Il fait très chaud. Le soleil éblouit. Les mouches s’acharnent sur les visages, sur les blessures des morts. Ils sont couverts d’œufs blanchâtres, rougis de sang qui vire au noir. Image cruelle. La plus pénible. Une bassine d’eau, des serviettes. Je les lave, prends deux draps dans l’armoire de ma tante. Je les ensevelis. Thérèse est ramenée sur un brancard dans notre plus grande chambre. Un officier appelle leur médecin. Il lui fait une injection, un pansement compressif. Elle saigne tant que matelas, couvertures, draps sont transpercés. Sa mère et la mienne la veilleront toute la nuit. Ce monde rassemblé, je descends chercher de l’eau à la pompe du jardin, rasant les murs, remplis un maximum de seaux, de bassines, brocs, lessiveuses, vases. On a soif. On boit beaucoup. Il faut éliminer. Je retrouve Jean-Claude et tante Maryvonne dans le trou de mitrailleuse, sans un cri, sans bouger. A un mètre d’eux une grenade à manche: elle est intacte. Je les fais monter près des autres. Le plus laborieux: empêcher le vieux père Le Moal de sortir… d’étouffer les bavardages, les rires, les pleurs du petit Yves Menec (18 mois). Les allemands se sont éparpillés dans le verger d’en face. Alerte !!! J’entends un bruit sourd. Regarde en soulevant la lucarne du grenier. Un soldat met un bazooka en batterie, tire en direction de Brest. C’est un coup de tonnerre. Je suis "fracassée". C’en est trop pour moi. Je glisse sous un lit et je redeviens moi-même…un être humain pris d’épouvante. Nous passons une nuit invraisemblable… »
Source: http://www.ouest-france.fr/8-aout-1944-le-massacre-de-plouvien-582162« Je viens d’avoir 18 ans. Nous nous mettons à table, en famille, vers 12 heures. Mon frère, Francis (16 ans) apprenti menuisier, est chez son patron Arsène, à la sortie du village de Plouvien, près de Brest, grand port maritime occupé par les troupes allemandes. Le menu : pommes de terre à l’eau, un peu de lait. Il fait beau, très chaud. Nous sommes heureux, sans crainte, étant libérés depuis la veille par l’armée américaine. Elle arrive de Normandie. Ses soldats ont encerclé Brest, de très près. Ils n’ont pas laissé de troupes dans la commune. Des coups de feu tirés au bourg nous ont alertés. Mon père décide vite de rejoindre l’abri construit, un peu par jeu, par les garçons de la rue, dans le champ des Ménec, derrière chez nous. Le repas reste sur la table. Ma tante Lise, mon oncle François, ma cousine Annie (10 ans) nous suivent, ainsi qu’une partie de la famille Ménec -autres proches cousins- et Jean Parcheminou (16 ans). Dans notre affolement, mon petit frère Jean-Claude (6 ans) est resté chez tante Maryvonne (sœur de ma grand-mère) dans le Penty qu’elle occupe avec son mari, tonton Per. Nous avons oublié Jean-Claude. Au fond du jardin, quelques mois plus tôt, les Allemands ont creusé un trou dans le sol. Un homme peut s’y tenir accroupi. Une autre percée dans le mur donne sur la prairie du Prat, pour y placer une mitrailleuse. On peut encore voir la maçonnerie refaite par mon père. Chez nous, des réfugiés de Brest, à cause des bombardements répétés : Mr et Mme Le Moal. Ils ont dans les 80 ans. Elle est aveugle, une jambe cassée, dans le plâtre, intransportable. Lui, sénile, ne veut pas se séparer de sa femme. On les quitte, après avoir fermé fenêtres, volets. Ils sont calmes, ne se rendent pas compte de la situation, du drame qui s’annonce. Nous sommes plus de vingt dans l’abri, à demi rassurés, sachant les Américains très proches. Un silence pesant règne dans notre cache : deux pièces séparées par une épaisse cloison de terre, communiquant par un étroit passage. Un escalier de part et d’autre, sommairement camouflés par des branches. On peut se tenir debout, s’asseoir sur des bancs. Les garçons ont fait des niches dans les murs étayés. Ils allument des bougies. (elles sont prêtes, ainsi que les allumettes). J’ai encore dans l’oreille les mots de ma tante Lise: "On dirait que l’on veille un mort". Vers 13 heures, bruits de bottes sur le toit de l’abri. La fusillade se rapproche. Les Allemands ont découvert notre cachette. Une voix hurle: "Sortez tous!!. Schnell. Herauss!!. Ou je jette les grenades." Personne ne veut sortir. Nous sommes terrorisés, tétanisés…Au bout de quelques secondes (une éternité) mon oncle François dit: « Ils ne nous feront pas de mal, nous ne sommes pas armés!… ». Il sort, les bras levés. Je le suis. Ils l’abattent devant moi, à coups de fusil. Tout autour de notre refuge, le long des clôtures des jardins, des soldats verts, accroupis, casqués, les yeux hagards, muets, leurs fusils droits dans les mains. Je ne sais plus qui est sorti après moi. Terrifiée, je file me cacher dans la maison située entre celle de mon oncle et celle du commerce Coant. Elle est en bordure de route. Les locataires sont partis. Elle semble vide. Blottie au pied de l’escalier, en chemisier blanc, jupe rose, pieds nus, mon chapelet de communion autour du cou, je débite des "Je vous salue Marie", des "Notre Père qui êtes aux cieux", sans m’arrêter. J’entends, au travers de la porte donnant sur le jardin, mon oncle râler, gémir de douleur. Soudain, hurlements, tirs dans la rue : "Feuer in alles Hause!". Je comprends "qu’ils" vont mettre le feu. Je sors côté jardin, préférant être tuée d’une balle que de brûler vive. Je cours vers mon oncle. Il est allongé sur le dos, dans l’herbe inondé de sang, geint doucement :"Lise!!..Lise!!.." sa femme. Elle est là, s’agenouille près de lui. Un peu plus loin, Jean, mon copain, mort. Les Allemands ne bougent pas, silencieux, impassibles en apparence. L’un se lève, hystérique, s’approche de moi, puis de mon oncle, lui tire une balle à bout portant en plein front, achevant le blessé. Ma tante après le meurtre doit dire que "Les Allemands sont bons"… A cet instant j’ai une crise nerveuse, un soldat essaye de me calmer, me prend contre lui, me cajole. Je m’échappe encore. Je vole. Je fuis. Je me dissimule dans les W-C de la boulangerie. Ma frayeur est violente. Je m’apprête à descendre dans la fosse d’aisance, soulevant le couvercle de bois. A ce moment , un sous-officier (il a des galons "argent") son revolver à la main, me fait sortir calmement, gentiment. Il parle français…Je vois passer "Tantic", cousine de ma mère. Elle court. Elle me semble complètement folle. Ne dit rien. Disparaît. Puis ma mère: elle ne me remarque pas. Disparaît aussi. Je n’ai plus la notion de l’heure. Le militaire (il a la quarantaine) me caresse les joues, les cheveux. Je reprends confiance. Le calme s’installe. Mon frère est toujours chez son patron. De la cour Bothorel on voit la fumée, les flammes surgir des toits des maisons Mao et Bihan. Près de l’atelier de menuiserie. Le sous-officier me tient par les épaules. Nous partons chercher Francis. Il creuse une tombe avec Arsène, pour un soldat mort. J’ai cru que c’était la sienne. Les Allemands discutent. Nous revenons tous trois vers le lieu du premier drame. Devant la ferme Ménec le tas de foin finit de se consumer. Ce tas de foin, dans lequel les garçons avaient fait une grande niche, servait de cachette à mon autre cousine, Thérèse, ses frères et Sœurs, sa grand-mère (autre sœur de la mienne). Une rafale de mitraillette est tirée dans l’ouverture, mal dissimulée. Thérèse, blessée à la jambe réussit à évacuer tout le monde, sauf Janine (4 ans) qui sera carbonisée.Tantic (Mme Ménec) recherchera les ossements de sa petite ; les placera dans une boite de biscuits . Je l’aiderai .Nous ne parlerons pas. Thérèse a 15 ans. Elle sera amputée, appareillée. Dans la cuisine de la maison, les Allemands ont entassé des fagots de bois, mis le feu. Je les sors secondée par d’autres soldats. Il doit être 15 heures. La ferme est sauvée. Les premiers militaires étaient des troupes de choc, des éclaireurs dit-on. Les suivants en ont assez. J’en ai vu pleurer sur les photos de leurs enfants. Les soldats et moi ramenons le corps de mon oncle chez lui. Jean, mon camarade d’école, dans le chemin du Prat, sur l’herbe, contre le mur de notre jardin, près de la porte (elle existe toujours). Il doit être 16 heures. Il fait très chaud. Le soleil éblouit. Les mouches s’acharnent sur les visages, sur les blessures des morts. Ils sont couverts d’œufs blanchâtres, rougis de sang qui vire au noir. Image cruelle. La plus pénible. Une bassine d’eau, des serviettes. Je les lave, prends deux draps dans l’armoire de ma tante. Je les ensevelis. Thérèse est ramenée sur un brancard dans notre plus grande chambre. Un officier appelle leur médecin. Il lui fait une injection, un pansement compressif. Elle saigne tant que matelas, couvertures, draps sont transpercés. Sa mère et la mienne la veilleront toute la nuit. Ce monde rassemblé, je descends chercher de l’eau à la pompe du jardin, rasant les murs, remplis un maximum de seaux, de bassines, brocs, lessiveuses, vases. On a soif. On boit beaucoup. Il faut éliminer. Je retrouve Jean-Claude et tante Maryvonne dans le trou de mitrailleuse, sans un cri, sans bouger. A un mètre d’eux une grenade à manche: elle est intacte. Je les fais monter près des autres. Le plus laborieux: empêcher le vieux père Le Moal de sortir… d’étouffer les bavardages, les rires, les pleurs du petit Yves Menec (18 mois). Les allemands se sont éparpillés dans le verger d’en face. Alerte !!! J’entends un bruit sourd. Regarde en soulevant la lucarne du grenier. Un soldat met un bazooka en batterie, tire en direction de Brest. C’est un coup de tonnerre. Je suis "fracassée". C’en est trop pour moi. Je glisse sous un lit et je redeviens moi-même…un être humain pris d’épouvante. Nous passons une nuit invraisemblable… »
Priol- Nombre de messages : 157
Date d'inscription : 04/06/2013
Re: Plouvien...
Bonjour
Très intéressant sujet ! Merci pour les infos et témoignages.
Très intéressant sujet ! Merci pour les infos et témoignages.
L 76- Nombre de messages : 37
Localisation : Haute Normandie
Date d'inscription : 27/11/2013
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