Bretagne : Occupation - Libération
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Le lieutenant de Kerillis

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Le lieutenant de Kerillis Empty Le lieutenant de Kerillis

Message  Logico Lun 19 Oct 2009, 16:24

Le Lieutenant de Kerillis


Après le combat de Saint Marcel, Allemands et Miliciens redoublent de férocité. Malgré ce climat de terreur et de sang, les parachutistes S.A.S. s'organisent, les sticks se reconstituent. Jusqu'à l'arrivée des troupes de Patton, ils ne laisseront aucun répit à l'ennemi.
Dès le 21 juin 1944. le stick du lieutenant de Kerillis (dit Skinner)
comprenant les caporaux Pams et Croenne, les premières classes Serra et Harbinson, opère dans le secteur Elven - Saint-Nolf - Tréfléan - Vannes. Le stick s'est procuré des explosifs (plastic et Nobel 808) auprès de la compagnie F.F.I. du capitaine Ferrer qui lui fournit à l'occasion quelques hommes, pour assurer la protection lors des opérations de sabotage, et aussi, un guide remarquable et dévoué, Job Guillevic, un employé de l'électricité.
Jusqu'au 8 juillet 1944, les sabotages se succèdent : câbles téléphoniques souterrains et aériens (le second fut de 94 lignes dans la même nuit), pylônes à haute tension alimentant l'aérodrome de Meucon-Vannes et la base sous-marine de Lorient, voies ferrées.
Enfin , avant de rejoindre Toche-Milgourdy près de Plumélec, sur ordre du capitaine Marienne (encore en vie au moment de ces opérations), le lieutenant de Kerillis, sur renseignements sérieux fournis par des employés de la S.N.C.F., décide d'attaquer un train de matériel et de munitions en provenance de l'aérodrome de Meucon et que les Allemands ont décidé d'évacuer vers Rennes.
Le convoi est composé d'une quarantaine de wagons tractés par deux locomotives précédées chacune de deux wagons plate-formes, afin que si la voie est sabotée, ces deux wagons fassent sauter la charge par pression sans entrainer pour cela le déraillement et la destruction du train. Le dernier wagon est un wagon plate-forme armé de mitrailleuses M.G. 42 et d'un canon quadruple de 20 mm pour tir contre avions et troupes terrestres.
Le train doit quitter Vannes vers 22 heures. Une heure plus tôt le stick de Kérillis a quitté son refuge du hameau de Cran, avec quelques F.F.I. de la compagnie Ferrer. Les F.F.I. assurent la protection. Le lieutenant de Kerillis et ses quatre compagnons s'installent près de la voie. Deux bazookas, un fusil mitrailleur Bren, en plus de l'armement individuel constituent l'armement.
Le lieu de l'embuscade se trouve non loin du passage à niveau au lieu dit La-Vraie-Croix, à la sortie d'un déblai, de telle sorte que le déraillement se fasse au moment où le dernier wagon plate-forme équipé de son armement se trouvera dans le déblai. Le fusil mitrailleur Bren, en batterie sur un petit monticule prendra sous son feu, le train immobilisé ou couvrira le reste du stick contre toute arrivée possible d'une patrouille allemande.
La charge de plastic est mise en place sur la voie; de Kerillis a choisi la mise à feu électrique. Ainsi, il fera lui-même exploser la charge au moment propice.
Maintenant, c'est l'attente, la nuit est sombre, silencieuse. Soudain, dans le lointain, le halètement des locomotives annonce l'arrivée du train. Le convoi est à l'heure, il avance lentement; le voici à hauteur des parachutistes; de Kerillis compte : " un wagon, deux wagons, locomotive, tender, contact ! ". Un éclair aveuglant, une déflagration assourdissante qui secoue la campagne endormie. Le train déraille dans un bruit de ferrailles et de bois éclaté. Les S.A.S. aussitôt attaquent; Pams et Serra tirant au bazooka, ouvrant de larges brèches dans les flancs des wagons. Les bombes d'avions apparaissent empilées les unes sur les autres, mais aucune explosion ne se produit. Pals et Serra s'attaquent alors aux locomotives. Des chaudières éventrées s'échappent alors de longs jets de vapeur. De Kerillis et Croenne, pendant ce temps engage une sorte de duel avec des Allemands de la garde du train dont le tir décroit au fil de l'engagement.

Harbinson se dresse, le F.M. Bren à la hanche, et monté sur le ballast, remonte le train vers l'arrière, tout en mitraillant. Lorsqu'il arrive à proximité du wagon armé, mles servants des armes ont disparu. Le silence retombe peu à peu. Après environ trente minutes de combat, les munitions presque épuisées, les parachutistes se replient en direction du hameau de Cran.

Dans la population, un certain nombre de personnes, qui directement n'appartenaient pas à la Résistance, parfois des villages entiers comme celui de Saint-Marcel et Plumelec ( aujourd'hui hauts lieux de la Résistance) aidèrent efficacement les parachutistes S.A.S. Des médecins comme celui de Trédion et de Loudéac, le docteur Lecoc de Plumelec, une infirmières de Malestroit, Mme Lapierre, les docteurs Mahéo et Queineck soignèrent les blessés.
Combien de fermiers hébergèrent et ravitaillèrent les parachutistes S.A.S. ? Ils sont nombreux et beaucoup inconnus. Citons cependant le père Crolas du hameau de Cran qui avait mis sa grange à la disposition du stick de Kérillis.
Le lendemain du départ de celui-ci; les allemands firent irruption chez lui. Roué de coups, il garda le silence. A la ferme de Cosquer, près de Tréfléan, Mme Veuve Thomas, aidée de ses filles Annette et Léonie et de son fils Léon, hébergea et ravitailla aussi pendant un certain temps le stick de Kérillis


L'Arrestation du Lieutenant Alain de Kerillis

Les Kerhervé :
Dans la nuit du 13 au 14 juillet 1944, le lieutenant Alain de Kerillis, traqué par les Allemands et les miliciens parvient miraculeusement en bordure du bois de Kerlanvau, dans une ferme isolée, habitée par la famille Kerhervé.
Une dizaine de survivants se traîne autour de Kerillis : Ce sont des hommes en loques, à la limite de leurs forces, qui ont pourtant trouvé le courage de transporter leurs blessés.
Alain de Kerillis a reçu une balle dans l'avant-bras droit, mais il est accablé par une blessure plus profonde et cruelle; il vient d'apprendre la mort de "Marienne".
Le lieutenant Fleuriot qui, la veille, s'est joint au groupe, souffre d'un éclatement du foie. Perrin est atteint d'une grenade à la cuisse. Terisse a les ligaments de la cheville déchirés par un projectile. Les hommes qui sont indemnes sont pratiquement vidés de toute ressource : Robert Croenne, Pams, Françis Decrept, Harbinson, Le Meur, Pinci, Collobert, Galliou et Pasquet.
Devant l'arrivée de ces spectres échinés, brisés, pitoyables, les Kerhervé oublient toute prudence, ne cherchent même pas à se renseigner sur la distance qui sépare les fugitifs de leurs poursuivants. Ils les accueillent, les nourrissent, leur propose de les coucher.
- Ce serait de la folie refuse Kerillis. Les Allemands risquent d'avoir repéré notre
Piste, mais si vous disposez d'une cache sûre, je vous laisserai néanmoins le lieutenant Fleuriot. Il n'est pas en état de nous suivre.
Les fermiers distribuent aux parachutistes tout le ravitaillement dont ils disposent.. Le lieutenant Fleuriot est installé dans une grange : S'il y est découvert, il pourra toujours prétendre qu'il s'est réfugié dans cet abri à l'insu des braves gens.
Après une halte d'une demi-heure, la petite troupe reprend le chemin des bois. Accompagné par un adolescent, le fils Kerhervé, les parachutistes traqués parcourent huit à neuf cent mètres et s'installent, frissonnants sur la terre imprégnée de rosée. Ils s'endorment tous comme des masses, insensibles à l'humidité, à l'inconfort et au danger. Ils sont à bout de nerfs et dorment.
Un doux soleil les réveille. Il est 8 heures du matin. Depuis leur parachutage, c'est la première fois qu'ils se lèvent après l'aube, la première fois qu'ils dorment sans la protection d'une sentinelle. Avant de sombrer dans leur sommeil, tous avaient eu la même pensée : ils seraient peut-être abattus au gîte, mais leur épuisement était tel, qu'ils ne s'en étaient pas préoccupés.
C'est presque avec surprise qu'ils prennent conscience du jour, de la quiétude qui les entoure, du soleil qui les réchauffe. Instantanément; l'espoir renait, et avec lui la soif de poursuivre.
Dans les jours précédents le bilan du stick de Kerillis a été inimaginable. Ce groupe depuis la bataille de Saint-Marcel, n'a jamais cessé d'agir, de porter aux Allemands des coups furieux. Les S.A.S. ont attaqué des convois, ont fait sauter un train de munitions et d'armement, détruit des transformateurs électriques, coupé à maintes reprises la voie ferrée sur des axes essentiels. Par leur efficacité, ils ont porté au paroxysme, la fureur de l'ennemi.
Le jeune Kerhervé arrive porteur d'un récipient de café brûlant. Il le dépose et retourne à la ferme de laquelle il revient quelques instants plus tard avec son père. Les deux Bretons soutiennent le lieutenant Fleuriot qui a prétendu se sentir en état de rejoindre les siens.
Les Allemands paraissent avoir perdu la piste, mais malgré l'apparente résurrection de ses hommes, Kérillis préfère prolonger leur répit et décide de rester sur place une journée de plus.
A 15 heures, le petit groupe est en pleine détente. Pinci, Décrept, Collobert et Galliou ont entamé une partie de belote. Ils jouent des fortunes qu'ils ne possèdent pas, des femmes imaginaires, des châteaux en Espagne.
- Ils m'emmerdent avec leurs conneries déclare Terisse. Je vais refaire mon pansement.
Il s'éloigne en claudiquant d'une dizaine de mètres, enjambent les deux officiers qui somnolent et va s'assoir à l'écart, le dos calé contre un arbre.
Croenne et Pams sont occupés au bricolage d'un poste de radio, dans l'espoir plus qu'incertain de parvenir à capter des nouvelles.
Terisse éprouve des difficultés à se défaire de la bande ensanglantée qui entoure sa blessure à la cheville. Il crie râleur, dans la direction de Croenne :
- Bébert, salopard ! Ca te crèverait le cul de venir me donner un coup de main ?
- Tu vois pas que je m'occupe d'un blessé plus important réplique Croenne. T'es pas marrant, non ?
- Ah ! Ils sont beaux les potes plaisante Terisse. D'abord, qu'est ce que t'en sais si je ne suis pas mourrant ? Ca n'arrête pas de pissefr cette saloperie. J'ai perdu au moins vingt litrees de sang
- J'arrive, concède Croenne, qui suivi de Pams rejoint son compagnon.
Terisse a disposé une trousse de pharmacie à côté de lui. Il a presque entièrement déroulé le pansement dont seule l'extrémité adhère encore au sang coagulé de la plaie bénigne. Croenne s'agenouille et tire le pansement d'un coup sec. Terisse gueule :
- Nom de Dieu ! Fumier ! Sadique ! C'est pas possible, ça t'envoie en l'air de voir souffrir les autres !
Croenne et Pams éclatent de rire. Pendant que Croenne soutient la jambe, Pams nettoie la blessure à l'alcool. Sans arrêter de rigoler, il lance narquois :
- Non, mais mate la un peu sa blessure ! Une égratignure ! Et c'est pour ça qu'il braille et qu'il nous dérange !
- Je voudrais t'y voir pauvre guignol réplique Terisse. Refais mon pansement et arrête de déconner. N'oublie pas qu'il me reste un pied valide à te foutre au cul.
Tout en enroulant la bande sur elle-même, Croenne enchaîne.
- Il va réclamer la légion d'honneur, s'acheter une petite voiture d'invalide pour aller
rallumer la flamme du 11 novembre.

A huit cent mètres, à la ferme des Kerhervé, un parachutiste frappe et entre. Sans y être invité, il va s'affaler sur une chaise sous le regard de pitié de la fermière.
- Vous n'auriez pas un morceau de pain madame ? demande-t-il sur un ton suppliant.
La mère Kerhervé se précipite. Elle sort de la pièce et y revient porteuse d'un quignon de pain et d'une boule de fromage frais qu'elle pose sur la table. Le parachutiste se jette sur les aliments tandis que la brave femme retourne au cellier d'où elle réapparaît débouchant une bouteille de cidre.
La bouche pleine, le parachutiste explique :
- Il y a quarante huit heures que je n'ai rien mangé ni rien bu. J'ai perdu mes compagnons au cours du dernier combat. Depuis je parcours la forêt tout seul à leur recherche.
La fermière sourit :
- Ne vous inquiétez plus mon gars, ils ne sont pas bien loin ! L'un d'eux a même couché dans la grange cette nuit. Mangez et buvez, après je vous expliquerai comment les rejoindre.
- Eh bien ! Vous, au moins, on peut dire que vous êtes la providence. Je commençais à me désespérer et à me faire des idées noires. Bon sang, vous savez, quand on est tout seul …
Le parachutiste engloutit le fromage entier, la moitié de la miche de pain, boit la presque totalité de la bouteille de cidre.
- Ah ! Je me sens mieux à présent. Maintenant, si vous pouviez m'indiquer le chemin …
La ferlmière sort sur le pas de la porte et indique la direction du camp :
- Vous suivez le sentier sur deux ou trois cent mètres. Après vous prenez à travers bois sur votre gauche. Il y a une ancienne haie. Vous n'avez qu'à la suivre, vous tomberez sjur eux. Vous verrez mon mari et mon fils, ils y sont.
Le parachutiste fait un geste large de la main : Une centaine de miliciens sortent du bois de Trédion et fondent silencieux sur la ferme.

Di Constanzo :
Le chef Franc-Garde Di Constanzo et Maurice Zeller sont à leur tête. Le pseudo parachutiste était le sinistre Munoz. L'uniforme dont il est vêtu a une fois encore tragiquement mystifié une brave patriote.
La mère Kerhervé est poussée violemment à l'intérieur de sa demeure tandis que la plupart des miliciens s'éparpillent dans la ferme qu'ils s'occupent à piller.
En quelques mots, Munoz met Zeller au courant des renseignements qu'il a reçus de la pauvre femme qui s'est recroquevillée sur un tabouret, et qui, consciente de la gravité de son acte, pleure, la tête enfouie dans ses mains.
- Combien sont-ils ? questionne Di constanzo
- Y a qu'à demander à la vieille. Moi, j'en sais rien répond Munoz
- Tu as entendu ? jette Zeller à la fermière. Combien sont-ils ?
La mère Kerhervé lève la tête et crache sans l'atteindre dans la direction du traître. Zeller lui assène une giffle violente
- Combien sont-ils ? reprend-il hargneusement. Où se trouve la sentinelle ?
La fermière ne répond pas, elle s'agenouille sur le sol et se met à prier.
Dans l'âtre, des buches se consument lentement. Di Constanzo trouve un tisonnier et le bloque entre deux billots de manière à ce que la pointe soit lèchée par les flammes.
Munoz, d'un échange du regard fait part de sa compréhension et de son approbation.
- Tu ferais mieux de parler, salope ! poursuit Di Constanzo, sans ça on va t'enfoncer le tisonnier rougi dans le cul.
Il déclenche parmi les miliciens quelques rires niais.
- Pas dans le cul, elle est capable d'aimer ça, cette morue lance une voix.
Cette fois l'hilarité est générale.
Di Constanzo se saisit d'un torchon dont il se protège pour ne pas se brûler la main, et constate que l'extrémité du tisonnier est chauffée au rouge. Saisissant la fermière par les cheveux, il lui relève la tête et brandit sous ses yeux le fer incandescent.
- Combien sont-ils , Où est la sentinelle ? répète-t-il
La fermière regarde sans faiblesse le fer et l'homme. Puis elle lève les yeux vers le ciel et déclare sur un ton de litanie :
- Vierge Marie, aidez moi ! Je ne trouverai jamais la force de pardonner à cet homme.
Sans hésitation, Di Constanzo applique le fer sur l'épaule de la femme. La faible épaisseur de la blouse rugueuse brûle instantanément, puis la peau éclate dans une effroyable morsure, et l'odeur âcre de l'épiderme grillé se répand dans la pièce.
La suppliciée perd connaissance. Le milicien lui lâche les cheveux, elle s'écroule comme une pitoyable poupée de son.
- Bon, on perd son temps constate Di Constanzo sans émotion. Allons y, on verra
bien. De toute façon, ils ne sont pas plus d'une dizaine.

Le feu est ouvert sans sommation sur les joueurs de belote. Les miliciens sont parvenus à se glisser à moins de dix mètres du camp. Décrept, Galliou et Gallobert sont tués sur le coup. Pinci roule sur lui-même, s'abrite dans les broussailles.
Le lieutenant de Kerillis se dresse colt au poing. Avant d'avoir pu tirer, il prend une balle dans le ventre et lâche son arme puis s'écroule. Harbinson et Perrin sont grièvement atteints avant d'avoir pu tenter la moindre riposte. Le lieutenant Fleuriot est resté allongé, impuissant.
A quelques mètres en retrait, Croenne vient de terminer le pansement de Terisse. Avec ce dernier et Pams, ils parviennent à décrocher. Le blessé a son pied nu. Pams est en chemise. Seul Croenne est revêtu de son uniforme complet, mais aucun des trouis n'a la moindre arme. Terisse a du mal à suivre, il boîte bas et déchire son pansement.
- Tu veux qu'on te porte interroge Croenne sans ralentir.
- Ca va, filez devant, je vous rejoindrai.
- Tu parles, comme on va te laisser ! De toute façon, je ne pense pas qu'ils nous aien,t remarqués. Je crois qu'on est sorti de l'auberge.
Plus lentement, soutenant leur compagnon blessé, les trois parachutistes poursuivent leur fuite aveugle à travers l'épaisse forêt
Autour du camp, il ne reste plus un seul homme en état de presser la détente d'une arme. Jusqu'à l'ultime extrémité, les S.A.S. ont riposté, mais ils n'ont réussi qu'à tuer un milicien et à en blesser deux autres.
- Transportez les morts et les blessés ! gueule Di Constanzo. On va ramener son mari et son fils à la vieille.
Le père Kerhervé est mourant. Le fils est moins grièvement atteint.
Blessés et morts sont portés sans ménagement et jetés devant la ferme.
La mère Kerhervé a repris connaissance. Pâle et digne, elle s'approche de son mari qui expire sous les yeux de son fils. Elle s'agenouille et pose la tête de son vieux compagnon sur ses cuisses. Son regard se porte sur Alain de Kerillis. Le lieutenant s'est traîné sur quelques mètres et se trouve assis, le dos reposant contre le mur de la ferme, les mains crispées sur son ventre. Le sang coule doucement entre ses jointures, mais hélas ! ainsi que le lieutenant Fleuriot, il est parfaitement conscient.
La fermière voudrait parler, mais l'émotion étrangle les sons dans sa gorge. Kérillis a remarqué la plaie à vif, la blouse brûlée.
- Ils vous ont torturée, les misérables, ânonne-t-il faiblement.
- Non … lance la fermière dans un cri de désespoir. Non, ils m'ont trompée.
De son bras tendu, elle désigne Munoz dans son uniforme anglais.
- Quand ils m'ont brûlée, je n'ai plus rien dit ! Je le jure sur la vierge, sur mon fils,
sur mon mari qui vont mourir
- Je vous crois madame. Pardonnez moi d'avoir douté marmonne Kerillis.
- Alors, on les 'sèche" , s'impatiente un milicien.
- On les garde et on les soigne, réplique Zeller. Ils savent des choses qui nous intéressent.
Di Constanzo inspecte l'état des blessés avant d'ordonner :
- On ne garde que les deux officiers. Si on trimbale les autres, ils vont nous caner dans les doigts. Foutez-moi le feu à la baraque et aux granges.
Une dizaine de miliciens s'engouffrent dans les bâtiments. Très vite une épaisse fumée s'échappe des issues, puis les premières flammes apparaissent. De Kerillis et Fleuriot sont traînés à l'écart.
- Balance-moi tout ce qui traîne au feu, ajoute Di Constanzo. Les morts et les blessés sont aussitôt précipités dans la ferme qui, très vite n'est plus qu'un gigantesque brasier.
Alertés par les coups de feu, deux camions allemands arrivent. Une trentaine de soldats de la Wermacht en descendent sous le commandement d'un sous officier et rejoignent les miliciens. Le sous-officier assiste au dernier assassinat – seul le fils Kerhervé a échappé au supplice. Transporté par ses deux bourreaux, Harbinson a le temps de leur crier :
- "Charognes" ! avant d'être projeté dans un mouvement de balancement.
Les deux miliciens se retournent et s'éloignent en courant pour éviter les effets de l'asphyxiante chaleur. Quand l'un d'entre eux découvre le Feldwebel allemand, il arbore à son égard un sourire niais. Dans un mélange de crétinisme et de morgue, il donne l'impression de mendier une connivence malsaine.
Cette grimace provoque chez l'Allemand une réaction furieuse et incontrôlée. Se servant de son lourd fusil Mauser comme d'un bélier, il porte de toute ses forces un coup de crosse à la face ahurie du milicien qui se renverse en arrière, le nez fracassé, un œil crevé, la pommette éclatée.
En allemand, Zeller intervient sans colère :
- Ne vous emportez pas, et surtout ne m'obligez pas à faire un rapport.
- Le Feldwebel désigne d'un geste les deux officiers :
- Que comptez-vous en faire ?
- Les interroger. Ils savent beaucoup de choses qui peuvent nous aider à anéantir leur unité.
- Confiez les-moi ! Ils seront soignés et interrogés par mes services.
- Pas question mon vieux ! Ils vous déclareraient leur nom et leur N° matricule et rien d'autre. Faites la guerre comme vous l'entendez … Le renseignement, c'est nous que ça regarde.
- Vous êtes un beau temps d'ordures ! jette le Feldwebel
- Maintenant, ça suffit ! intervient hargneux Di Constanzo. Foutez-moi la paix. Nous dépendons de la Gestapo de Pontivy. Si nous faisons un rapport sur l'incident, vous savez ce qui va vous arriver. Alors tirez vous et fermez vos gueules. De notre côté on s'étouffera.
L'Allemand crie un ordre. Ses hommes rejoignent leurs camions qui font demi-tour et s'éloignent.
- La Vieille et le gosse. Qu'est ce qu'on de fout ? interroge Zeller.
- Laisse-les. Le gosse va crever. Que la vieille aille raconter ses histoires, ça incitera les autres bouseux à se méfier.
Du haut d'une colline, à quelques kilomètres seulement, Croenne, Pams et Terisse ont trouvé refuge dans un hameau. Ils regardent, accablés, l'épaisse fumée qui s'élève, lugubre et révélatrice, de la ferme Kerhervé.

Les lieutenants de Kerillis et Fleuriot sont transportés dans des locaux de la Gestapo de Pontivy.
Pendant trois semaines chaque jour et chaque nuit, ils sont torturés jusqu'à l'évanouissement. A l'issue de chaque séance, un médecin les soigne et les ranime.
En trois semaines, les Allemands et les Miliciens ne tireront des deux martyrs que leur nom et de méprisantes insultes.
Fleuriot mourra le premier au cours d'une séance de supplice. Kerillis tiendra quatre jours de plus. Son corps n'est plus qu'une plaie sanglante, ses membres brisés, son visage déchiré, lorsque la veille de l'arrivée des Américains, dans une hargne sauvage, Zeller l'achèvera, lui tirant un chargeur entier dans la tête.

Source : Livre " Qui ose vaincra Les parachutistes de la France Libre " écrit par Paul Bonne carrère, S.A.S. lui-même, qui a reproduit dans son livre les récits de ses compagnons ayant participés aux évènements relatés. Il a également eu accès aux archives de l'amicale des anciens S.A.S. et du service britannique. Les récits sont pleins de verves et le langage est bien celui des villages de l'époque que j'ai bien connue

Logico
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Message  Invité Lun 19 Oct 2009, 18:33

C'est vraiment super intéressant ! On s'y croirait !

Merci.

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Message  bab Mar 20 Oct 2009, 13:28

Bonjour,
très intéressant, d'autant plus que le Lieutenant Fleuriot était de ma famille....
bab
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Message  MLQ Jeu 22 Oct 2009, 09:52

Bonjour
J'ai cru bien faire Shocked
voyez le résultat
http://www.39-45.org/viewtopic.php?f=25&t=22503&sid=c16a34f24c5a5da91b3aebb86d1a77bd&p=245455#p245455

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http://sgmcaen.free.fr/

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Message  Yannig du 22 Lun 26 Avr 2010, 16:07

En effet, navrante tout de même cette réaction. mais sur ce genre de sujet, on peut trouver plusieurs versions des faits comme le disent certains. Maintenant, quant à mettre le forum dans la catégorie non sérieuse, il y va fort votre forumeur.

amicalement
Yannig du 22
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Message  Panzerfaust Lun 26 Avr 2010, 18:26

Certaines personnes qui écrivent des livres pensent pouvoir se montrer hautaines vis-à-vis des amateurs que nous sommes. Logico n'a peut-être pas recoupé ses infos avec d'autres livres parus ultérieurement, mais le fond de l'histoire n'est certainement pas totalement faux, cet historien reconnu aurait pu donné d'ailleurs ses sources pour en faire profiter tout le monde et être un peu moins vindicatif envers l'auteur du post, c'est à dire Logico, et un peu de respect avec lui car il ne sait même pas à qui il a affaire (enfin si, puisqu'il a publié un article sur la Vieux-Vy sur Couesnon dans la revue en ligne Histomag de mars 2010). D'ailleurs, je n'ai pas l'impression qu'il se soit inscrit chez nous pour tenter de corriger le post incriminé. Bref... c'est pas un exemple de courtoisie ni de modestie (sur ce coup là).
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