Bretagne : Occupation - Libération
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Roger Priol - FFI du canton de St Renan

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Roger Priol - FFI du canton de St Renan Empty Roger Priol - FFI du canton de St Renan

Message  Priol Sam 21 Fév 2015, 15:10

Voilà un petit résumé de l'histoire de mon grand-père, Roger Priol qui a 92 ans.




Je suis né le 20 octobre 1922 à Paris. Mon père, ancien de 14-18 peut partir à la retraite en 1940, il le fait juste après la débâcle, ce qui fait que nous nous installons à Plougonvelin. Ma mère, étant de Déolen, connaît bien Plougonvelin pour y avoir travaillé dans sa jeunesse. C'est le summum du luxe pour elle. Elle vient d'une famille modeste. Mon père aussi est originaire du Finistère. Ils font construire une petite maison d'une pièce aux alentours du bourg de Plougonvelin pour nos vacances d'avant guerre. C'est dans cette maison que nous nous installerons dès que mon père prend sa retraite.

Je suis depuis diplômé d'un CAP ajusteur fraiseur depuis 1939, je travaille chez Dubigeon sur le port de commerce à Brest. le 9 Novembre je suis en train de travailler quand le Pacific Coast explose. Il n'y aura pas de blessé chez nous mais je me souviens le voir en feu depuis Pontanézen le soir. Le 1er Janvier 1940, j'apprends la mort de mon frère qui était mobilisé sur la ligne Mareth en Tunisie. Il est mort d'une dysenterie. L'entreprise où travaillait mon frère se propose de me faire intégrer son école des cadres. Je remonte donc à Paris pour travailler chez Chausson. Je suis détaché au traçage de tôle puis à la fabrication de gabarits pour les membrures de Dewoitine 520. Le 13 Juin nous évacuons Paris par le dernier train qui quitte la capitale. Nous descendons jusqu'à la Baule dans notre famille. Les alliés évacuent leurs troupes, le Paquebot Lancastria est coulé par les allemands. La mer rejettera des corps sur les côtes durant plusieurs jours. Je regagne Paris mais l'entreprise Chausson n'a plus de travail, je rentre en Bretagne.

Fin décembre 1940, une amie, Simone Scieller me contacte, elle a 19 ans et est étudiante à Brest en vue de devenir institutrice. C'est avec elle que commencera ma période de résistance. Elle me fournit des tracts que je dépose à droite et à gauche sur Plougonvelin. Ce sont des tracts communistes. En 1941 l'occupation se fait sentir et la vie est de plus en plus dure. Je vais travailler à la construction de la station radio du Trémeur. J'en profite pour laisser quelques tracts ici et là. Un ami du Conquet me donne un Revolver en me disant "ça ne peut être que toi qui distribue les tracts". Début 1942, mon groupe à Brest se fait arrêter, je ne suis plus approvisionné en tracts. Je perds mes contacts et l'occupation me pèse. Je cherche à quitter la France mais l'argent et les contacts me manquent. Je travaille quelques temps comme contractuel intérimaire aux Contributions Indirectes, pour la révision des propriétés bâties. Ça me permet d'avoir accès à des zones normalement interdites pour les non résidents. Hélas, en faisant mon curieux je me fais pincer au château de Quéléren où logent des allemands. Direction Brest pour interrogatoire. Au final, ils ne trouvent rien sur moi et me ramènent à Quéléren en me disant "On sait que vous n'êtes pas un espion". Le 11 Novembre 1942 on organise un Match de foot entre séniors et juniors et à la fin du match, nous nous rendons sur le monument au mort de la commune au nez et à la barbe des allemands. En 1943 toujours la même rengaine, j'essaye de rejoindre les forces françaises libres mais en vain.

Ce n'est qu'en Mai 1943 qu'on me présente à Grand Turc. Il est Brestois et monte des réseaux dans le secteur de Plougonvelin. C'est un FFI et le mot d'ordre est de ne pas faire d'actions, juste du renseignements. Il faut dire que sur la commune, il y a plus d'allemands que de Français. Il y a beaucoup d’installations et de fortifications. Nous collectons donc des informations sur la construction de la batterie de Keringar, les blockhaus sur la côte et le Trez Hir, la direction de tir de Keromnes, l'état major de la marine allemande basée au Trez Hir et aussi sur les sous mariniers qui séjournent dans la maison de Kermaria.

En 1944, j'ai 21 ans quand les alliés débarquent en Normandie. On l'apprend par Radio Londres, Tout le monde est euphorique. Le lendemain, nous sommes convoqués par Grand Turc. Il faut recruter et former des groupes de combats. Avec les collègues, on recrute près d'une trentaine de gars sur Plougonvelin. Tout ceux à qui l'on demande répondent présents. Nous n'avons pas essuyé un seul refus, je tiens à le souligner. Il y avait pourtant des pères de familles. On se prépare dans l'ombre mais les Alliés sont encore loin. Le 20 juin Grand Turc me fait parvenir un message, je viens d'être dénoncé. Je pars me cacher sur Plouzané dans une ferme. Je ne reviens que le 10 juillet sur Plougonvelin sans avoir été inquiété. Le 20 juillet, nous allons saboter le petit train decauville près de Trébabu en démontant la tuyauterie sur 200 mètres. Le 3/4 et 5 Aout nous attendons des armes à notre Maquis de La Madelaine sur la route Plougonvelin / St Renan mais rien ne vient, le terrain a été signalé trop dangereux pour un largage. Le 6 nous rejoignons le Maquis de Tréouergat pour s'équiper et former des compagnies. A partir de là, l'occupant commence à se regrouper et à lâcher les zones non vitales. Nous nous engouffrons dans cette opportunité et nous occupons le terrain. On récupère pas mal de terrain à l'occupant, il y a plusieurs accrochages. Une troupe de Russes blancs nous a rejoint avec armes et bagages, ils sont d'une grande aide. Notre quotidien va être maintenant des surveillances d'axes routiers et des patrouilles jusqu'au 17 Aout.

C'est là que je vais rencontrer les premiers Américains. des éclaireurs de la 644th Tank Destroyer Battalion. Nous sommes au dessus de Saint-Renan. Peu de temps après ce sont des Rangers qui arrivent. Ils viennent de la pointe du Hoc, ce sont les 2nd Rangers. Ils ont pour mission de réduire au silence la batterie de Keringar (4 x 280 mm) qui empêche les Américains d'encercler Brest. Ils cherchent des éclaireurs français. Notre groupe est détaché avec eux. Sur les treize que nous sommes, tous sont des militaires ou anciens militaires sauf deux gars; René Raoul et moi. Les Rangers nous donnent une pelle, on doit creuser un trou pour s'abriter dès que l'on s'arrête. le 27 Aout, en sortant du bois de Kervadéza on se fait prendre pour cible par un tir d'artillerie. Nous descendons jusqu'à Locmaria-Plouzané sous un feu constant. On prend position sur l'axe routier de Pen ar Menez. Cette route est importante car elle coupe l'axe de ravitaillement Brest / Keringar. C'est à Pen ar Menez que je vais rencontrer le maire de Brest, Victor Eusen qui vient négocier une trêve pour évacuer les blessés. Trêve qui lui sera refuser. Le maire nous félicitera pour notre engagements avant de repartir sur Brest. Il décédera comme beaucoup d'autres dans le tragique accident de l'abri Sadi-Carnot le 9 septembre.

Toujours à Pen ar Menez, nous essuyons une tempête qui me trempe complètement, je suis frigorifié. Après avoir demandé l'accord au capitaine, je pars chercher une boisson chaude ou de quoi me réchauffer dans une ferme  sur la route qui descend à Trégana. Mon collègue Goalès est lui aussi trempé et se joint à moi. Dans une ferme, je rencontre deux américains qui sont en fait des Français incorporés à l'infanterie régulière U.S. On discute autours d'une boisson chaude que la propriétaire nous a bien gentiment offerte puis c'est l'heure de repartir. Les deux Français avec les tenues US sortent en premier et se font prendre en embuscade. Une patrouille allemande avait du nous voir et nous attendait à la sortie. Ils essayent de capturer les Français qu'ils prennent pour des américains. Si c'était nous, les FFI qui étions sortis en premiers, nous serions morts. Dans la bagarre, nous nous cachons derrière un tas de fumier et je jette une grenade vers les Allemands. Alertés par les bruits, les Rangers et nos collègues FFI arrivent en renfort et mettent en déroute les allemands. On fait six prisonniers, les Allemands ont quatre morts. L'après-midi, nous attaquons une camp allemand au Diry mais il est déserté. Était-ce les hommes qui nous avaient pris en embuscade au petit matin ?  Du Diry, nous remontons à travers champs vers La Madelaine. De là, nous empruntons la route jusqu'à Ty baol. C'est en arrivant au tournant de la route, juste après les fermes que nous nous faisons tirer dessus. Les Allemands ont installés un canon antirchar et des positions défensives sur la patte d'oie de Goasmeur. A cet endroit, ils tiennent la route arrivant de Brest et de Saint-Renan en enfilade. Les tirs de mortiers sont nombreux. On avance à l'abri des talus, avec deux Rangers, on se cache sur la maison de droite qu'un obus a transpercé. Tout le reste de la compagnie est sur la gauche de la route. Nous sommes cloués au sol, nous n'arrivons plus à avancer. On fait appel à la 709th Tank Destroyer pour nous prêter assistance. Ils arrivent eux aussi par Ty baol en coupant à travers champs afin de ne pas subir les tirs du canon antichar. Ils remontent les champs dans l'axe de la maison où nous sommes cachés afin d'éviter un coup direct. Ils arrivent à notre hauteur, un des américains me tirent sous le tank sherman lors d'un tir de mortier. Une fois les repérages faits et la préparation du char, celui-ci s'élance perpendiculairement sur la route et assène des coups directs dans la position. Le canon est détruit et notre compagnie peut enfin prendre la position.

Pour faire la distance qui sépare Goasmeur au Lannou, nous allons mettre presque une semaine. Dans cette zone, nous faisons une trentaine de prisonniers. Nous approchons de Keringar, la tension monte. Surtout quand on fait un briefing en vue de l'attaque sur Keringar. Sur la route, nous subissons un tir fraternel d'un Lightning P38 qui part chance ne touche personne. En ramenant des prisonniers à l'arrière, deux FFI de notre groupe sont touchés, l'un meurt sur le coup. Il se nommait Léonce Dauchet, c'était quelqu'un que j'avais recruté personnellement et qui était père de famille.

Le 8 Septembre 1944, nous arrivons au Lannou. Un peu plus bas, une quinzaine de chars de la 644th et de la 709th s'amassent en vue de l'attaque sur Keringar. Hélas, pour notre groupe c'est fini, nous devons quitter les Rangers et rejoindre les corps Français suite à un ordre du général Koenig. Nous sommes félicité par le colonel Rudder des Rangers et le colonel Faucher des FFI. Nous sommes envoyés en repos au château de Quéléren. En y arrivant, nous pouvons voir que de l'autre côté de l'anse de Berthaume, Plougonvelin brûle. D'un commun accord, nous décidons que dès le lendemain, nous retournerons sur Plougonvelin rejoindre nos collègues de la compagnie FFI. C'est notre commune, il était hors de question de ne rien faire, peu importe les ordres. On se repose, nous en avons bien besoin, on tombe de fatigue. Dès le lendemain matin, nous reprenons la route direction Plougonvelin. Le village a subit de gros dégâts, il y a de la poussière partout et l'église a brûlé. Je m'assure que mes parents sont sains et sauf puis je retourne dans la compagnie. Le village est désert, il y a des trous d'obus un peu partout. Une bombe est tombé à vingt mètres de l'abri qu'avait construit mon père dans le jardin. Le trou est tellement large que les cadavres de cinq vaches et trois chevaux ne suffiront pas à le combler. Notre petit groupe de dix FFI retrouvent le reste de la compagnie à Gorréquéar qui délimite la fin du bourg de Plougonvelin. Il y a des cadavres de Français et d'Allemands à terre. Nous ne pouvons pas leur donner de sépultures décentes pour le moment, nous approchons de Keringar. Nous sommes le 9 Septembre, Nous sommes aux abords de la station radio de Trémeur (détruite) quand on nous fait parvenir le message que Keringar s'est rendue. Cela marque la fin des combats dans le secteur. Kermorvan se rendra le 10 septembre. Nous devions ensuite participer à la libération de Brest mais les américains ne voulaient pas de Français. Le premier groupe de notre compagnie de FFI est détaché pour remettre la commune de Plougonvelin en marche. Le reste de la compagnie part sur Landerneau. A notre retour sur Plougonvelin, il y a des exactions qui ont commencées. Des filles se font raser la tête. Notre chef de groupe, Michel Quéré s'interpose et fait cesser les représailles. Je suis chargé du ravitaillement, on s'occupe de faire repartir la boulangerie. Cela faisait quatre mois que la commune n'avait plus de pain. Dans les fermes, on avait commencé à réutiliser les vieux fours à pain.

La commune est assez endommagé, on travaille tous à droite et à gauche pour retaper ce qu'on peut. Le bétail a souffert. Brest est libéré le 18 Septembre. Avec des amis, nous irons voir les dégâts. A l'approche du fort Montbarey, le paysage est lunaire. A Saint-Pierre, une puanteur envahit les rues. Il y a des bêtes mortes partout. Les Allemands avaient réquisitionnés du bétail pour tenir le siège mais les bombardements furent fatals aux animaux. Fin Septembre, on me convoque au Trez Hir, un certain Rol Tanguy veut me voir. Je ne connais pas le personnage, il cherche des FFI pour la police parisienne. Avec la Libération, il a fallu faire du ménage dans les services et il y a pas mal de poste vacants. Je monte donc à Paris pour devenir inspecteur mais Rol Tanguy étant communiste, il se fait rapidement évincé et moi avec. Ma candidature étant soutenue par lui, je suis écarté de la sélection pour rentrer à l'école des gardiens de la paix rue Monceaux. Je rencontre un collègue qui travaille à la DGER, l'ancêtre des services secret. Il me conseille de postuler, C'est ainsi que je rejoins la DGER. Je quitterai la DGER en 1947 pour entrer dans la Marine Marchande avant de prendre ma retraite en 1979. Je reviens à Plougonvelin et nous ravivons la flamme des anciens FFI. A l'époque, nous avions rassemblé près d'une quarantaine de vétérans. Aujourd'hui, 70 ans après, nous ne sommes plus que deux à Plougonvelin. Mon ami René Pellen et moi même.
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Message  jeremiah29 Sam 21 Fév 2015, 15:52

Salut Gildas !
Témoignage très intéressant et j'imagine particulièrement émouvant pour ton grand-père, et de fait pour toi aussi...Very Happy


Juste une remarque : tu as indiqué "709th Tank Destroyer", or il s'agit du 709th Tank Battalion (pas de TD au sein de ce bataillon)... Wink
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Message  Priol Sam 21 Fév 2015, 17:32

Oui pardon, j'ai mélangé avec le 644th. Le grand-père a vu le 644th TD à St Renan puis le 709th à Goasmeur (Hill 63) puis à St Aouen près du carrefour (rond point désormais) du Lannou.

Merci de la correction et oui c'était assez fort comme entreprise de le faire témoigner, d'aller sur les lieux avec lui, le laisser parler, noter et voir à quoi ça correspondait. Niveau date, j'ai eu très peu de corrections à apporter, il a encore toute sa tête et une bonne mémoire. Malheureusement il fait parti des derniers et chaque témoignages que je reçois est moins fourni et surtout il m'en manque beaucoup. J'aurai tant aimé être là il y a 30/40 ans...

Mais je fais avec ce que j'ai et j'essaye de recontacter les familles de son groupe. Certains m'ont déjà répondu et j'entretien de bonnes relations. Là actuellement je suis en train d'essayer de retrouver la famille du mort de son groupe; Léonce Dauchet. Je ratisse large, pour le moment en vain mais je ne perds pas espoir.
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